Dans un contexte économique marqué par une transformation numérique accélérée et des défis liés au recrutement dans la profession comptable, l’Île-de-France se positionne comme un terrain privilégié d’observation et d’adaptation. Virginie Roitman, présidente de l’Ordre des experts-comptables de Paris Île-de-France depuis 2022, incarne parfaitement cette dynamique, explorant les enjeux stratégiques que rencontrent les cabinets franciliens. Entre la digitalisation croissante, notamment avec l’arrivée imminente de la facture électronique, et la nécessité de repenser les modes de gouvernance face à la financiarisation naissante, l’expert-comptable se trouve au cœur d’une révolution professionnelle. Cette interview met en lumière les préoccupations majeures des experts-comptables dans une région où la concurrence est intense et l’innovation technologique incontournable. Recrutement, formation, adaptation technologique et gouvernance : autant de thèmes incontournables pour saisir les défis et opportunités d’une profession qui se réinvente.
Les mutations majeures de la profession d’expert-comptable en Île-de-France
Le marché de l’expertise comptable en France connaît une période de croissance soutenue, portée notamment par un contexte économique dynamique et des évolutions réglementaires favorables. Cette tendance est particulièrement accentuée en Île-de-France où les cabinets, souvent de taille modeste, doivent rapidement s’ajuster face à un environnement en constante mutation. Virginie Roitman observe que ces cabinets franciliens, qui comptent en moyenne entre cinq et dix collaborateurs, évoluent dans un marché international compétitif où l’innovation technologique remodelera durablement leurs méthodes de travail.
L’un des vecteurs de transformation les plus significatifs reste l’introduction de la facture électronique. Cette obligation, prévue pour septembre 2026, imposera aux entreprises et cabinets une automatisation accrue des processus comptables. Les cabinets qui, jusqu’ici, étaient centrés sur la production comptable traditionnelle vont devoir élargir leur offre de services pour intégrer des missions à plus forte valeur ajoutée, telles que la gestion de patrimoine, la durabilité ou le conseil en ressources humaines.
Les facteurs clés du virage numérique pour les cabinets franciliens
Pour réussir cette transition numérique, les cabinets doivent impérativement aligner leur stratégie technologique avec leurs capacités organisationnelles. La pluralité des solutions logicielles disponibles, souvent spécialisées par secteur d’activité, peut compliquer le choix des outils. La professionnalisation des ressources humaines devient alors primordiale pour maîtriser ces dispositifs, notamment pour garantir une intégration fluide des innovations comme la facture électronique.
- Adaptabilité : Choisir des outils en cohérence avec la taille et les compétences du cabinet.
- Accompagnement : Favoriser la formation continue pour les collaborateurs afin d’anticiper les changements.
- Spécialisation : Se concentrer sur un ou deux secteurs d’activité pour optimiser les offres technologiques et humaines.
- Protection de la gouvernance : Assurer que la direction reste aux mains d’experts-comptables certifiés malgré la montée des fonds d’investissement.
| Élément | Situation actuelle | Perspectives 2026 |
|---|---|---|
| Taille moyenne des cabinets | 5-10 collaborateurs | Structuration progressive autour d’équipes technologiques spécialisées |
| Technologies déployées | Multiples outils sectoriels souvent disparates | Uniformisation des outils avec automatisation des processus |
| Offres de service | Principalement production comptable | Élargissement vers la gestion de patrimoine et durabilité |
| Recrutement | Difficultés de recrutement de profils qualifiés | Renforcement de la formation initiale et continue |
Cette dynamique invite également à une réflexion profonde sur la gouvernance au sein des cabinets. Malgré quelques tentatives de financiarisation via l’intervention de fonds d’investissement, il est impératif, dans cette profession réglementée, que la maîtrise et la prise de décision restent aux mains des experts-comptables inscrits à l’Ordre. Cette vigilance garantit la qualité et l’intégrité des prestations fournies aux clients.
Recrutement et montée en compétences : un enjeu structurant pour les experts-comptables en Île-de-France
Le recrutement constitue l’un des défis majeurs identifiés par Virginie Roitman pour la pérennité des cabinets d’expertise comptable en Île-de-France. La profession, bien que dynamiquement engagée dans la transformation digitale, peine à attirer de nouveaux talents, et notamment des jeunes diplômés. Le déficit de vocations trouve différentes causes, allant d’une méconnaissance du métier à une concurrence accrue d’autres secteurs offrant des opportunités perçues comme plus attractives.
Les structures franciliennes, souvent de taille moyenne, ne peuvent se permettre de multiplier les outils numériques sans garantir une montée en compétences des équipes. Ainsi, l’Ordre des experts-comptables Île-de-France a mis en place des dispositifs robustes en matière de formation. Sup’Expertise, l’école régionale, accueille chaque année près de 800 élèves en formation initiale, complète les parcours de 3 600 experts-comptables stagiaires et offre plus de 200 000 heures de formation continue aux professionnels.
Stratégies pour améliorer l’attractivité du métier
- Sensibilisation proactive : Campagnes de communication modernes visant à revaloriser la profession auprès des jeunes générations.
- Formation approfondie : Développement des compétences techniques et digitales via des modules spécialisés.
- Accompagnement personnalisé : Mentorat et suivi individualisé pour favoriser l’insertion et la fidélisation.
- Promotion de la diversité : Ouverture à des profils variés pour enrichir l’expertise des cabinets.
Des cabinets réputés comme KPMG, Mazars, PwC, Deloitte, BDO, Grant Thornton, Ernst & Young, ainsi que des acteurs spécialisés en digitalisation tels qu’Accenture, Sopra Steria ou CGI s’investissent également dans cette dynamique à travers des programmes d’intégration et de formation structurés, renforçant le lien entre expertise comptable et compétences digitales.
| Action | Moyens déployés | Objectif |
|---|---|---|
| Campagnes de promotion | Supports digitaux, partenariats écoles | Formation d’un vivier de jeunes talents |
| Formation initiale | Programme adaptable, stages pratiques | Insertion professionnelle facilitée |
| Formation continue | Modules spécialisés, e-learning | Montée en compétences à long terme |
| Mentorat | Suivi personnalisé, coaching | Fidélisation des jeunes diplômés |
Au-delà du recrutement, la montée en compétences digitales est désormais incontournable pour répondre aux exigences nouvelles d’une comptabilité digitalisée. La maîtrise des solutions comme la facture électronique, la gestion automatisée des flux financiers ou les systèmes d’intelligence artificielle présentent des défis techniques qui nécessitent un investissement continu en formation.
Intégrer la facture électronique : un défi technologique et organisationnel essentiel
La mise en œuvre de la facture électronique pour toutes les entreprises en Île-de-France, projected for September 2026, représente un tournant majeur dans l’organisation des cabinets comptables. Virginie Roitman souligne que cet événement ne concerne pas uniquement l’aspect technologique, mais implique également un changement profond des processus internes, des compétences requises, et de la relation client.
En effet, la digitalisation de la facturation conduira à l’automatisation d’une part significative des tâches comptables aujourd’hui chronophages. Cette automatisation remet en question le modèle économique traditionnel basé à 60 % sur la production comptable. Le cabinet doit alors repenser son offre en développant des services à plus forte valeur ajoutée, orientés vers l’accompagnement stratégique, la durabilité ou le conseil patrimonial.
Impacts concrets et solutions pour les cabinets franciliens
- Révision des processus : Adaptation des workflows internes pour intégrer les flux électroniques.
- Formation des équipes : Acquisition des compétences spécifiques à la gestion numérique de la facture.
- Communication client : Évolution des échanges pour valoriser les nouveaux services.
- Investissements technologiques : Choix d’outils adaptés et évolutifs pour accompagner la transition.
| Aspect | Situation avant facture électronique | Situation après mise en place |
|---|---|---|
| Processus comptables | Majoritairement manuel et ponctuel | Automatisé et continu |
| Temps consacré | Important et répétitif | Réduit, focalisé sur l’analyse |
| Relation client | Traditionnelle, axée sur la production | Conseil et accompagnement renforcés |
| Compétences requises | Comptabilité standard | Digital, analyse et conseil |
Cette transformation technologique est d’autant plus cruciale dans une région comme l’Île-de-France où la concurrence des grands cabinets internationaux est vive. Des acteurs tels que KPMG, PwC, Deloitte ou Ernst & Young mènent la course à l’innovation, poussant les plus petits cabinets à accélérer leur modernisation sous peine de perdre des parts de marché.
Gouvernance et financiarisation : un équilibre à préserver dans les cabinets d’expertise comptable
Un autre enjeu stratégique pour les experts-comptables franciliens est la financiarisation croissante des cabinets, via l’entrée de fonds d’investissement dans le capital. Bien que ce phénomène reste encore à ses débuts en Île-de-France, il soulève des questions majeures quant à la gouvernance professionnelle.
Virginie Roitman insiste sur le fait que, dans une profession réglementée, la gouvernance doit rester exclusivement entre les mains des experts-comptables inscrits à l’Ordre. Cette condition garantit l’indépendance, l’éthique et la qualité des prestations jugées au plus haut niveau de rigueur. La présence de fonds financiers impose un cadre strict pour que les décisions découlent toujours d’une expertise professionnelle et non d’intérêts financiers externes.
Risques et garde-fous liés à la financiarisation
- Perte d’autonomie : Risque de dilution du pouvoir décisionnel au profit des investisseurs.
- Changement de priorités : Pression accrue sur la rentabilité au détriment de la qualité du service.
- Obligations règlementaires : Respect renforcé des normes et contrôles imposés par l’Ordre.
- Protection des clients : Garantie d’une expertise garantie et respectueuse des exigences déontologiques.
| Critère | Cabinet traditionnel | Cabinet avec fonds d’investissement |
|---|---|---|
| Propriété capitalistique | Experts-comptables majoritaires | Entrée de capitaux externes |
| Gouvernance | Exclusivement professionnelle | Surveillance stricte nécessaire |
| Objectifs | Qualité, éthique, accompagnement | Rentabilité versus qualité |
| Défis principaux | Adaptation numérique, recrutement | Maîtrise du pouvoir et conformité |
L’Ordre des experts-comptables Île-de-France joue un rôle essentiel dans ce domaine, veillant à ce que ce virage se fasse sans compromettre les fondamentaux de la profession. Cette vigilance s’inscrit dans une volonté plus large de réforme, notamment autour de l’ordonnance de 1945 qui régit la profession depuis plus de 70 ans, avec des propositions d’évolution visant à intégrer les nouvelles prérogatives liées à la durabilité et aux technologies numériques.
La vision d’avenir de la profession comptable en Île-de-France portée par Virginie Roitman
Virginie Roitman, candidate à sa propre succession en 2025, met en avant une vision claire pour les prochaines années. Son binôme avec Gilles Bösiger, jeune expert-comptable dynamique et leader d’un cabinet ayant multiplié ses effectifs par quatre en quelques années, symbolise parfaitement la volonté d’allier expérience et innovation. Ensemble, ils portent le projet « Ensemble pour agir », qui vise à accompagner la transformation numérique, continuer à renforcer la formation et moderniser le cadre réglementaire de la profession.
Cette feuille de route repose sur trois piliers principaux :
- Transformation des métiers : Accompagner les cabinets dans la transition vers des missions à plus forte valeur ajoutée.
- Renforcement du régalien : Maintenir la gouvernance professionnelle tout en accueillant l’évolution économique des cabinets.
- Attractivité et formation : Attirer les talents, renforcer leur formation continue et promouvoir la profession auprès des jeunes.
| Programme | Actions concrètes | Résultats attendus |
|---|---|---|
| Transformation numérique | Ateliers, séminaires, universités d’été | Adoption généralisée de la facture électronique et nouveaux services |
| Gouvernance et réglementation | Veille sur financement, réforme ordonnance 1945 | Profession stable et indépendante |
| Formation et attractivité | Développement de Sup’Expertise, campagnes de recrutement | Renforcement des compétences et poursuite des vocations |
Par leur engagement et leur approche pragmatique, Virginie Roitman et Gilles Bösiger incarnent la volonté d’une profession comptable en Île-de-France qui se réinvente tout en conservant ses valeurs fondamentales. Leur action illustre le passage d’une époque tournée vers la production à un modèle agile, technologique et centré sur le conseil et l’accompagnement stratégique.